Un fidèle serviteur du Roi

le comte de Briou
Pierre-Charles de Parseval de La Brosse (1743-1822)

Petit-fils d’un subdélégué à l’Intendance, fils d’un lieutenant-colonel de dragons anobli par grâce souveraine en 1721, Pierre-Charles naquit au château de Briou, le 7 février 1743. Son père, Pierre II, qui avait acquis la seigneurie en 1723, arrondit ensuite son domaine : il hérita de la Borde-Meslin (Beauvilliers) et de Granlay (La Bosse) en 1735, acheta la seigneurie d’Oucques en 1751 et celle de Lory (Oucques), en 1753 ; lors de son décès survenu le 18 mars 1766, il était aussi propriétaire dans les paroisses de Seris, Josnes, Le Plessis-l’Echelle, Saint-Léonard-en-Beauce et Moisye.

Pierre-Charles, comme son père, fera une carrière militaire, commencée en février 1759 comme cornette au régiment de Noailles (cavalerie), pour atteindre le grade de maréchal de camp le 9 mars 1788 ; il s’était distingué pendant la guerre de Sept ans. D’abord chevalier, il sera comte à la mort de sa mère en 1774. Il s’était marié en 1771 avec Alexandrine-Marie-Gabrielle de Moracin et avait acheté des terres sur la commune de Lorges.

Château de Briou

Il avait quarante-six ans, âge de la retraite pour un militaire de son grade, quand survint la Révolution. Il aurait pu vivre paisiblement, jouissant d’un domaine de près de 900 ha : la propriété n’avait été amputée que des seigneuries d’Oucques et de Lory en faveur de sa soeur, épouse de M. de Niespens, mais de nombreuses aventures l’attendaient.

Le comte de Briou n’était pas présent à Orléans, siège de l’assemblée préliminaire aux Etats généraux, mais s’était fait représenter.

Il était de service près de la reine Marie-Antoinette les 5 et 6 octobre 1790 comme chef de brigade des gardes du corps, quand le peuple insurgé de Paris marcha sur Versailles. Il accompagna la famille royale qu’on ramenait à Paris, chevauchant près de la portière du carrosse. C’est peu après que les gardes du corps cessèrent leur service auprès du rois. Un décret de l’Assemblée constituante en date du 25 juin 1791, mis en exécution le 12 septembre suivant, ordonna leur licenciement. Alors le comte de Briou émigra, suivant en cela la plupart de ses collègues ; leurs quatre compagnies furent reconstituées sur le Rhin.

Il fit la campagne de 1792 dans l’Armée des princes, à la tête du premier des douze escadrons des gardes, sous le commandement des maréchaux de Broglie et de Castries. L’histoire générale nous apprend les misères de cette armée qui « se bat pour le roi de Prusse ». Elle n’est pas présente à Valmy, mais, comme pour les troupes prussiennes, sa retraite s’effectue par un temps épouvantable vers la Belgique, puis la Hollande. Le licenciement général eut lieu à La Haye le 23 novembre 1792.

C’est dans cette ville que nous retrouvons le comte avec son épouse, le 7 mars 1793. Ils séjournent quelque temps aux Pays-Bas où le beau-père de Pierre-Charles, Jean-Benjamin de Moracin, connu à Bayonne sous le nom de « Moracin de Hollande », a certainement des attaches. Le 3 mai le ménage est à Amsterdam, d’où il part le 10 pour Utrecht. De là il ira à Lübeck, puis à Hambourg, enfin à Brême.

Alors que ses subsides s’épuisent, il est avisé le 13 janvier 1795, par son ami le comte de Clermont, qu’un général russe, Zoritz, recherche un directeur pour son école militaire ; homme très riche, il entretient et fait instruire des cadets, tous gentilshommes, à Skloffl, petite ville dont il est seigneur. On ne saurait refuser pareille sinécure, car la fonction offerte est bien rémunérée, et le ménage rejoint Skloff en avril en abordant à Riga. Mais des dissensions avec Zoritz se font jour rapidement : « Tout ce qu’on voudrait et devrait faire pour rétablir l’ordre est sans cesse entravé, paralysé… » ; ainsi Briou justifie-t-il sa démission, présentée le 14 juin 1796, en écrivant à son ami Louis de Clermont le 24. Cependant, employeur et employé se séparent à l’amiable : le général procurera à Briou un logement pour s’y retirer, tandis que le départ sera différé de quelques semaines pour permettre de trouver un remplaçant.

En avril 1798, le comte de Briou est admis au rang des officiers généraux de l’armée russe avec le rang de général-major. Il prête serment de fidélité au tsar Paul ler, selon le rite orthodoxe. Il restera à Saint-Pétersbourg en attendant une affectation. La comtesse, restée à Skloff, est gravement souffrante et son époux sollicite le 18 août une permission du tsar pour se rendre à son chevet. Paul 1er, a laissé le souvenir d’un déséquilibré mental, aux décisions imprévisibles ; en réponse, il congédie Briou. Celui-ci touchera une pension correspondant à la moitié de sa solde ; il se retire à Skloff où son épouse décède le 18 octobre. Il garde néanmoins des appuis à la cour, correspondant en particulier avec l’amiral Coutouzoffl et s’installe à Mohilev où il vit simplement.

Le 12 mars 1801, Paul 1er est étranglé par des conjurés. Alexandre 1er lui succède. Briou s’adresse au nouveau tsar le 19 avril pour lui demander la permission de porter l’uniforme russe ; il reçoit une réponse positive et remercie dans une lettre datée du 31 mai :

« … Né et vieilli parmi les armes, je tiens comme un grand honneur la prérogative d’achever ma vie sous l’habit militaire d’une nation distinguée dans toute l’Europe pour sa valeur… »

Paul 1er avait épousé en 1777 Sophie-Dorothée-Augusta, fille de Frédéric-Eugène, duc de Wurtemberg-Montbéliard. Vertueuse, douce, charmante, la princesse s’était convertie à la religion orthodoxe ; elle avait pris le titre et le nom de grande-duchesse Marie Féodorovna ; c’était la mère d’Alexandre 1er. Briou s’adressera à elle à plusieurs reprises, à partir de février 1802, pour demander des secours. Elle se montrera toujours bienveillante, en intervenant auprès de son fils.

Le 26 avril 1802, Napoléon décrète une amnistie en faveur des émigrés à condition qu’ils se soumettent. Certains rentrent en France, mais non le comte de Briou. Il écrit à sa belle-mère, Catherine Josèphe de Galart, alors que l’amnistie est encore dans l’air :

« Je ne ternirai pas ma vieillesse par un serment contraire à celui qui a lié mes jeunes ans… »

Revenu à Saint-Pétersbourg, il fut chargé par le futur roi Louis XVIII de différentes missions diplomatiques auprès de l’empereur Alexandre, de mai 1808 à septembre 1814, et, à la Restauration, fut remplacé dans ces fonctions par le comte Just de Noailles, nommé ambassadeur en Russie. Le rôle de Briou en cela fut très limité.

Rentré en France, il prit le commandement d’un escadron de la compagnie de Wagram des gardes du corps, auquel il fut nommé le 5 juin 1814, alors qu’il était encore à Saint-Pétersbourg ; promu lieutenant général le 23 décembre de la même année, il resta en cette qualité attaché à la compagnie de Wagram, commandée par le maréchal Berthier.

Aux Cent Jours, il partit avec le roi dans la nuit du 19 au 20 mars 1815, le suivit jusqu’à Gand, reçut le commandement en chef de la cavalerie de sa Maison en Belgique. Par ses soins, ce corps fut entièrement remonté et rééquipé. Au retour de Louis XVIII à Paris, et, malgré ses soixante-douze ans – âge avancé à cette époque -, il tint à demeurer à la portière du carrosse royal jusqu’au pied de l’escalier des Tuileries.

Retraité le 31 octobre 1815, il projeta de se retirer à Briou, mais toutes ses propriétés, confisquées à l’époque de son émigration, avaient été vendues comme biens nationaux. Son château avait été acheté par un groupe de sept paysans. Ils s’étaient chicanés et s’étaient répartis les bâtiments. Le comte de Briou racheta alors Autry, une métairie voisine qu’il avait possédée, et s’y installa. Les dernières années de sa vie furent attristées par une cécité presque complète. Il mourut à Autry le 22 octobre 1822 et fut inhumé dans le cimetière de Lorges, où sa tombe existe encore, près du chevet de l’église.

Sources

  • Un fidèle serviteur du Roi : Pierre-Charles Parseval de La Brosse, Comte de Briou. André Prudhomme, Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher. Tome 49, page 51, 1994
  • Livres de famille : Les Parseval et leurs Alliances pendant trois siècles (1594-1900). Frédéric de Parseval.

La famille

Pierre-Charles de Parseval de la Brosse, est le 4ème enfant de Pierre II de Parseval (1687-1766) et de Charlotte Le Moyne (1706-1774). Il épousa à Paris en 1771 Alexandrine Marie Gabrielle de Moracin, de laquelle il n’a point eu d’enfant. Elle mourut en Russie en 1798. Pierre-Charles ne se remaria pas. La branche de la Brosse s’éteindra avec lui.

Les dates clefs de sa vie

  • 1743 : naissance au château de Briou
  • 1759 : Cornette, régiment de Noailles (cavalerie)
  • 1761 : Capitaine, régiment de Noailles (cavalerie)
  • 1770 : Sous-lieutenant, compagnie Ecossaise des gardes du corps du Roi
  • 1773 : Maître de Camp
  • 1777 : Chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis
  • 1784 : Lieutenant chef de brigade des gardes du corps avec grade de brigadier des armées du Roi.
  • 1788: Maréchal de Camp
  • 1791 : Emigration
  • 1792 : campagne dans l’armée des Princes, commandant en premier des 12 escadrons des gardes du corps.
  • 1795 : directeur de l’école militaire de Skloffl en Russie.
  • 1798 : Général-major dans l’armée russe.
  • 1808 : En charge des intérêts politiques du roi Louis XVIII auprès d’Alexandre 1er.
  • 1814 : Retour en France, promu au grade de lieutenant-général et décoré du cordon rouge.
  • 1815 : après 57 ans de service, le comte de Briou prend sa retraite.
  • 1822 : décède à Autry

Décorations

Le musée de La Légion d’Honneur a acqui en 2022 les insignes de grand’croix de l’ordre de Saint-Louis et de chevalier de la Légion d’honneur attribués à Pierre-Charles de Parseval de la Brosse, comte de Briou, membre des gardes du corps de la reine Marie-Antoinette et lieutenant-général des armées du roi.

  • des insignes de grand’croix de l’ordre de Saint-Louis, on y retrouve une plaque métallique d’une modèle rare attribuable à l’orfèvre Coudray ;
  • d’un insigne de chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, du modèle rare, traditionnellement dit « de la Première Restauration ». Il est reconnaissable à la couronne qui surmonte les trois fleurs de lys au centre du revers de la décoration.

Cette acquisition permet au musée d’exposer côte à côte, dans la salle des ordres royaux, des insignes des ordres de Saint-Louis et de la Légion d’honneur pour illustrer leur cohabitation sous la Restauration.

Photo Musée de la Légion d’Honneur

Son père : Pierre de Parseval (1687-1766)

Né en 1696 à Nogent-le-Rotrou, mort au château de Briou en 1766, d’abord Sous-Lieutenant au Régiment d’Infanterie Royal-Comtois, Pierre de Parseval se signala à l’attaque des lignes de Stopholen en 1707, puis à la prise de Schorondorf. Etant passé au service de l’Espagne pendant l’union des deux couronnes, il y fut d’abord Mousquetaire de la Garde du Roi, puis Capitaine de Dragons au Régiment de Batavia. Dans ce grade, il prit part aux combats d’Almenaras, Penalva, Tarragone, Villa-Viciosa, et aux sièges de Cardone, Barcelone et Messine. A la suite de ce dernier siège auquel il avait pris part comme faisant partie du corps expéditionnaire envoyé d’Espagne en Sicile, il joua un rôle prépondérant au combat de Melasso dans lequel, à la tête de quarante dragons, il chargea les Impériaux victorieux, changea leur premier succès en une défaite et leur enleva trois drapeaux. Peu après ce combat, l’alliance de la France avec l’Espagne ayant été rompue, le roi de France ordonna aux officiers qui servaient dans l’armée espagnole de donner leur démission et de rentrer en France. Pierre fut le premier officier du corps de Sicile à exécuter cet ordre, malgré les instances du commandant en chef de l’armée espagnole qui fit tous ses efforts pour changer sa détermination, employant tour à tour les menaces et les promesses : d’après une tradition de famille, il se fit fort d’obtenir pour lui la Grandesse d’Espagne, s’il consentait à rester au service de Sa Majesté Catholique ; ses instances étant demeurées inutiles, il se fit enfermer, au mépris du droit de la guerre, dans la citadelle de Messine et l’y tint prisonnier jusqu’à la paix.

A son retour en France, Pierre de la Brosse reçut du Roi, en récompense de ses brillants services et de sa fidélité, des lettres de Noblesse et le grade de Lieutenant-Colonel de Dragons. Plus tard il fut promu au grade de Colonel, et il fut fait Chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis le 11 avril 1755. Il meurt au château de Briou en 1766.

La tourmente révolutionnaire a provoqué le démantèlement de la Paroisse et du cimetière, la commune abrite cependant une partie de la pierre tombale de Pierre de Parseval de la Brosse, retrouvée récemment chez un particulier, restaurée et installée devant la mairie.

Sépulture

Ici repose le corps de Pierre Charles Parseval Comte de Briou, Lieutenant Général des Armées du Roi, Grand Croix de l’Ordre Royal et Militaire de Saint Louis né le 7 février 1743. Décédé le 18 octobre 1822. Soldat Chrétien intrépide dans les périls, il vécut selon Dieu

Cimetière de Lorges, Paroisse Saint-Germain

Photos Olive Titus

Le moulin de Lory

A voir sur Oucques, en venant de Châteaudun, ce moulin pivot, dernier vestige d’une autre époque, ayant appartenu au seigneur d’Oucques, Pierre de Parseval de La Brosse.